Un balcon en forêt

  • Nationalité : française
  • Année de production : 1979
  • Casting : Yves Afonso, Serge Martina, Jacques Villeret
  • Réalisateur : Michel Mitrani
  • Scénaristes : Michel Mitrani
  • Production : Antenne 2
  • Distribution : Gaumont

  • Synopsis :

    Un jeune aspirant (Lieutenant Grange/Humbert Balsan) est affecté, en octobre 1939, au commandement d’une maison-forte située près d’un hameau à la frontière belge, dans la foret des Ardennes. Réservé, amical et consciencieux, le jeune officier obéit aux ordres venus de la chaine hiérarchique avec un zèle dépourvu de la moindre conviction. La mission de cette maison-forte est de détruire les chars ennemis et de donner des renseignements sur les mouvements de l’adversaire. Avec l’aspirant, trois hommes – un caporal et deux hommes de troupe – constituent la garnison du fortin. La vie quotidienne, la routine militaire, les relations avec les villageois occupent les quatre militaires, qui sentent confusément peser sur eux la terrible menace de la mort et tentent de sauvegarder encore un peu de bonheur. Il y aura la rencontre de l’officier et de la jolie villageoise Mona (Aina Walle). Il y a aussi la nature que l’on peut enfin contempler à loisir, de l’automne au printemps. Le merveilleux printemps de mai 1940 saccagé par les troupes allemandes.

Présence de la région Grand Est dans le film :

  • scènes à Pouru-aux-Bois (Ardennes)
  • scènes à Les Hauts-Buttés (Ardennes)
  • scènes à Monthermé (Ardennes)

Le film est une adaptation littéraire du roman de Julien Gracq paru en 1958 :

« Le choix de la forêt d’Ardenne comme cadre du récit est raccordé au légendaire par l’allusion à la « forêt galante de Shakespeare » (p. 227) qui forme le décor de Comme il vous plaira où Orlando, Rosalinde et leurs compagnons réfugiés dans cette forêt, y trouvent un espace magique et protégé, laissant dans les villes maudites l’ambition, la cupidité, l’envie et les villes passions pour jouir d’une félicité fraternelle dans la fraîcheur de la nature. » (20)

« Dès l’ouverture du récit, la mention de Charleville, chef lieu de canton du département des Ardennes, la vue du train où circule l’aspirant Grange sur les sinuosités de la Meuse entre les collines couvertes de fougères et d’ajoncs, les fumées sur la contrée industrielle qui s’éloigne, les terrassements, les casemates, les barbelés sur les rives, les trembles des vallées et les forêts épaisses sur les crêtes dessinent une topographie stylisée mais précise qui est celle de la vallée de la Meuse entre Mezières et Givet. » (28)

« En revanche c’est une toponymie fictive qui désigne le lieu central de la diégèse, la maison-forte et son environnement. À cet égard il est curieux que les critiques férus de psychanalyse si prompts au délire interprétatif à partir des forgeries lexicales n’aient pas été plus diserts à propos d’une telle toponymie. Pour Moriarmé, la ville qui sert de base arrière à l’unité de Grange, on a seulement remarqué que ce nom pouvait être la contraction de Morialmé, village belge et de Monthermé, bourg proche de Charleville, alors que l’amalgame Mori-armé aurait pu donner lieu aux plus fécondes divagations (au sens mallarméen bien entendu). En fait Moriarmé, ce non-lieu au nom symbolique ressemble fonctionnellement à la Maremna du Rivage des Syrtes, c’est au seuil de la géographie réelle et de la géographie romanesque, du fil des jours à l’aventure, de la guerre réelle (c’est à Moriarmé que réside le capitaine Varin, seul personnage qui paraît conscient de la gravité de la situation, voir p. 46.sq, 106, 126, 130, 132, 152, 170, 190, 211, 252) aux « grandes vacances » (p. 32, 84, 104, 140) de Grange. Toute cette toponymie forgée est partiellement motivée, le lieu-dit d’où on surplombe le futur champ de bataille s’appelle L’Éclaterie (p. 17). La maison forte que Grange appelle le Toit tant elle lui paraît s’identifier à un haut lieu romanesque est justement située près du hameau des Hautes Falizes (l’escarpement des falaises d’où l’on voit l’immensité et d’où l’on peut choir) ; une zone agricole de la forêt est appelée les Censes des Fraitures (p. 117), le vieux mot féodal de cense pour désigner la métairie, la fracture de ce pays avec la réalité et, du reste « La lumière de la neige lui donnait une phosphorescence de cité interdite et de terre promise » ; la pauvre ferme accablée par « tout le malheur des temps » où Hervouët a reconstitué une famille (pp. 112.113) s’appelle les Mazures… etc. C’est le signal de la démarcation entre deux espaces, celui de la réalité socio-historique où l’aspirant Grange est engagé et celui de sa séparation, quand l’isolement au cœur de la forêt lui permet de s’échapper. » (32)

(Source : https://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2008-2-page-15.htm)