La Semaine du 10 février, article de Baptiste Zamaron
Deux enseignantes-chercheuses,Delphine Le Nozach et Violaine Appel, répertorient dansLe Grand Est au cinéma, l’appropriation par le 7e art des lieux de tournages, des produits locaux ou encore des personnages emblématiques d’après une sélection de300 longs-métragesde fiction produitsentre 1899 et 2020. Passionnant.
Saviez-vous que les opérateursdesfrèresLumière avaient filmé le Grand Est dès 1889 ? QueJamesBondraffole tout au tant du champagne Bollinger que d’AméliePoulaindesbergamotes sans oublier les eaux minérales des contrées vosgiennes et alsaciennes ? Que les cathédrales de Strasbourg ou encore Reims passaient formidablement bien à l’écran ? La région Grand Est semble avoir inspiré de tout temps le 7eart. C’est la conclusion du travail sans précédent mené par Delphine Le Nozach et Violaine Appel,enseignantes-chercheuses en Sciences de l’information et de la communication(Crem,Université de Lorraine) et figures de l’IUT Nancy-Charlemagne.
Vianney Huguenot nous ouvre le livre captivant, « Le Grand est au cinéma », paru aux Presses Universitaires de Lorraine, signé Delphine Le Nozach et Violaine Appel, chercheuses en sciences de l’information à l’Université de Lorraine et à l’IUT Nancy-Charlemagne.
Une scène du film Perdrix, au champ de roches à Barbey-Seroux. Le film est tourné dans les Vosges en 2019, avec Swann Arlaud, Maud Wyler et Fanny Ardant
Le livre est un mélange inédit de balades dans notre région, de découverte de l’univers du cinéma et de recherche scientifique. A travers 75 films, les deux auteures nous montrent comment un film s’approprie un territoire, comment des lieux deviennent de véritables personnages de cinéma et en quoi le cinéma est un acteur de la réputation d’une région, à travers des paysages, des gens et des objets. Parmi ces 75 films, Vianney Huguenot en évoque trois. 1985, Andrzej Zulawski tourne « l’Amour braque », avec notamment Sophie Marceau et Francis Huster. La première scène se déroule à Nancy sur la place Thiers (aujourd’hui place Simone-Veil), une séquence loufoque avec quatre malfrats qui viennent de braquer une banque. On reconnaît la gare, la brasserie Excelsior et la tour Thiers.
Dans le livre, pas de photos mais des dessins des scènes de films, tous en noir et jaune, ce qui donne une belle unité au livre. Autre film : Perdrix, tourné dans les Vosges en 2019, avec Swann Arlaud, Maud Wyler et Fanny Ardant. On y voit à un moment une bande de nudistes déferler dans les rues de Plombières les Bains, mais ce n’est pas un porno, c’est une très belle comédie romantique. Le choix de Plombières n’est pas anodin, le réalisateur Erwan le Duc raconte « qu’il y avait un peu une mythologie autour de plombières, ma grand-mère me disait qu’elle avait vu un jour Jacques Brel au casino. En repérage, j’avais l’impression d’entrer dans le décor du film ». Autre décor, autre réalisateur, Jean-Pierre Mocky tourne « L’albatros » en 1971 à Sarreguemines. Sur le coup, Mocky joue de malchance. Bourvil devait tenir le premier rôle et meurt quelques semaines avant le début du tournage, en septembre 70, et en novembre 70, celle qui avait accepté le 1er rôle féminin, Jane Fonda, est arrêtée aux États-Unis pour trafic de drogues. Rien qui ne douche l’enthousiasme de Mocky pour la Lorraine qui disait en 1971 à un journaliste du Républicain Lorrain : « Je trouve que les paysages lorrains et alsaciens répondent parfaitement à ma conception du roman noir. Les américains choisissent New York ou San Francisco, décors naturels pour le genre. En France, il faut autre chose, des maisons lourdes, une atmosphère brumeuse, des ciels gris, du vent, de la pluie, et le nord et l’est répondent à ces critères naturellement. Ce sont des régions très attachantes et mystérieuses ». Un hommage à double détente mais un bel hommage tout de même.
Materciné se dévoile dans Le Mag – Supplément de L’Est Républicain et de Vosges Matin du dimanche 30 janvier 2022 (et du Républicain Lorrain du 28 janvier 2022).
Un livre graphique et un site internet ludique sont nés du projet Materciné mené par deux enseignantes-chercheures de l’université de Lorraine. Tous les longs-métrages de fiction produits depuis 1899 dévoilent leurs références régionales : aussi amusant qu’instructif !
Quand l’écrit rend hommage au 7ème art, la libraire Le Neuf à Saint-Dié présentait l’ouvrage « graphique »de deux enseignantes de l’Université de Lorraine : le Grand Est au cinéma, une région qui est source d’inspiration pour les réalisateurs depuis les Frères Lumière… et qui aura vu au fil du temps de nombreux films se tourner dans les Vosges.
Depuis 2004 et la création d’un fonds de soutien, la Lorraine – puis le Grand Est – se revendique comme terre de cinéma. Mais la région peut-elle se faire espace de ciné-tourisme ? Un site et un livre, rédigés par deux chercheuses de l’Université de Lorraine, montrent que le potentiel est bien réel.
Grand Est Entretiens de la biodiversité : les forêts du Grand Est font leur cinéma
En marge des Entretiens de la biodiversité 2021, le parc animalier de Sainte-Croix propose aux visiteurs une déambulation à la découverte des coups de projecteurs donnés sur les forêts du Grand est par le cinéma. en collaboration avec le projet Materciné menée par deux enseignantes-chercheuses du centre de recherche sur les médiations de l’Université de Lorraine.
Une occasion de découvrir ou redécouvrir cette « présence » boisée à l’écran dans des œuvres tels Champ d’honneur (1987) de Jean-Pierre Denis, tourné pour partie dans les Vosges et dans le pays de Bitche, et qui situe son intrigue au cœur de la Guerre de 1870 ou encore dans Survivre avec les Loup (2008) s de Véra Belmont qui montre la forêt comme un endroit dans lequel se mettre à l’abri de la cruauté des Hommes. Le sentier qui serpente entre les panneaux d’expo est aussi l’occasion d’apprendre que les scènes filmées dans un chalet du cultissime Jules et Jim (1962) de François Truffaut, scènes à la faveur desquelles Jeanne Moreau interprète la chanson Le Tourbillon de la vie , ont été tournées dans des refuges des Vosges alsaciennes. Plus étonnant encore, on découvrira que certaines scènes du sulfureux Baise-moi de Virginie Despentes ont également été tournées dans les Vosges.
Incontournables
Une forêt vosgienne qui mériterait sans doute un César puisqu’également présente dans des productions incontournables telles que Les Grandes Gueules (1965) de Robert Enrico ou encore Main dans la main (2012) de la Lorraine Valérie Donzelli.
Une promenade pour faire le plein d’images dans tous les sens du terme !
Materciné étudie la diversité des marques territoriales dans le Grand Est
Accompagnée de Violaine Appel et Lylette Lacôte-Gabrysiak, Delphine Le Nozach dirige en 2020 et pour 2 années un projet de recherche appelé Materciné (Marque, territoire et cinéma en Grand Est). Maître de conférence en sciences de l’information et de la communication à l’IUT Nancy Charlemagne, Delphine Le Nozach s’intéressera notamment aux productions artistiques, au tourisme et au patrimoine. L’équipe de chercheuses étudiera la juxtaposition et la coexistence des différentes marques territoriales dans le Grand Est. Ce projet s’inscrit dans un contexte de recomposition administrative de la Région, qui rassemble différentes réalités culturelles ou historiques. L’équipe se penchera également sur la marque Lorraine, déposée à l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle) en 2018. Enfin, Materciné enrichira les bases de données des Bobines de l’Est.
Entretien avec Delphine Le Nozach autour du projet Materciné qui investit le champ du placement des marques territoriales du Grand Est.
Pouvez-vous en dire plus sur vos recherches actuelles ?
Je m’investis avec Violaine Appel et Lylette Lacôte-Gabrysiak dans un nouveau projet de recherche : « Marque, territoire et cinéma en Grand Est » (Materciné), financé par le contrat de plan État-région Ariane (2020-2022). Étant données les profondes mutations des territoires (constitution de la région Grand Est, affirmation ou création des marques régionales), il est intéressant d’investir le champ des marques territoriales du Grand Est et d’interroger les dispositifs appartenant aux différents pôles d’attractivités de la région (productions artistiques, territoire, patrimoine, tourisme). Le projet étudie la coexistence et la juxtaposition au sein de la région Grand Est de nombreuses marques territoriales de niveaux différents telles les métropoles, les départements, les territoires géographiques sans représentation administrative, les anciennes régions correspondant à des réalités culturelles et historiques et, enfin, la marque de la région Grand Est. La marque Lorraine (créée et déposée à l’Institut national de la propriété industrielle en 2018) fait l’objet d’une étude approfondie visant à comprendre les logiques mises en œuvre et ses objectifs communicationnels et stratégiques tandis qu’une autre étude prend en compte l’ensemble des marques territoriales du Grand Est au niveau du placement de celles-ci dans les films de cinéma. Ce dernier travail s’intéresse notamment à la participation effective et potentielle des marques territoriales au dispositif du placement de produits et aux médiations possibles entre territoires, marques territoriales et équipes de films.
Les résultats obtenus permettront aussi de renforcer et développer le placement de la région Grand Est par l’instigation d’une réflexion stratégique et d’augmenter sa visibilité et son attractivité par la création de dispositifs culturels et touristiques novateurs : parcours et guides pour une découverte ludique de la région ou encore une exposition de la région filmique dans une expérience immersive inédite.
Quels sont vos projets ?
Le projet Materciné débute en cette année 2020 et sera ma principale activité de recherche pour les deux ans à venir. Néanmoins, j’ai aussi pour projet de mon consacrer à la saga cinématographique James Bond. D’une part, il s’agit d’analyser les partis pris visuels et la place des marques sur les affiches des cinq derniers films, soit ceux dans lesquels le célèbre espion est joué par Daniel Craig (2006 à 2020). Formes de présence, degré de monstration, fonctions endossées, l’enjeu est de décrypter le rôle du placement de produits dans la promotion des films et de démontrer qu’il devient un identifiant intrinsèque à l’édification du mythe 007 dans la mémoire collective. D’autre part, j’ambitionne d’étendre l’étude des films James Bond en m’intéressant à la présence filmique du champagne Bollinger, champagne produit dans le Grand Est et placé dans ces films depuis 40 ans.
Parallèlement, je souhaite poursuivre ma réflexion sur les liens qui unissent insertions publicitaires et création cinématographique. Dix ans après ma première enquête auprès des réalisateurs, je conduis une nouvelle série d’entretiens auprès de réalisateurs français à la sortie de leurs longs-métrages en salle (avec le soutien des salles UGC Ludres et Nancy). Si les échanges portent toujours sur leurs perceptions du 7e art et leurs conceptions du métier, ils se concentrent surtout sur le rôle des produits et des marques dans les films et le cinéma. Il s’agit d’affiner les résultats déjà obtenus sous le prisme inédit de l’instrumentalisation créative des produits et des marques dans la réalisation cinématographique. Ce nouveau terrain envisage une réflexion sur les évolutions du dispositif du placement de produits filmiques au regard des récentes mutations du branding, c’est-à-dire de la gestion de l’image de marque.
Enfin, outre mes publications scientifiques, je publie régulièrement des billets sur le média en ligne The Conversation France et souhaite poursuivre cette enrichissante collaboration.